Le Président de la République a annoncé
récemment sa décision d’entamer le processus devant aboutir à
l’inscription dans la Constitution de la liberté d’accès à
l’interruption volontaire de grossesse. Évêques de France, nous voulons
dire notre inquiétude devant ce que signifierait cette inscription. Nous
le réaffirmons : toute vie est un don pour ce monde, un don fragile et
précieux, infiniment digne, à accueillir et à servir depuis son
commencement jusqu’à sa fin naturelle.
En 2022, il y a eu 723 000 naissances en
France et plus de 234 000 avortements. C’est un triste record dans
l’Union européenne, un chiffre qui ne diminue pas et, même, augmente.
Cette réalité dramatique dépasse la seule question d’un droit pour les
femmes. Elle n’est pas un progrès. Notre société devrait y voir surtout
le signe de son échec dans l’éducation, l’accompagnement et le soutien
social, économique et humain de celles et ceux qui en ont besoin. Elle
devrait s’inquiéter de son avenir en constatant la baisse prévisible de
sa population.
Le commandement biblique « Tu ne tueras
pas » inscrit dans toutes les consciences, au-delà de celles des seuls
croyants, signifie que tout être humain est confié à la sollicitude de
tous les autres. Nous ne devons pas affaiblir la force d’un tel repère.
Ces enfants à naître, nous en sommes d’une certaine façon tous
responsables. Ainsi, le vrai progrès réside dans la mobilisation de
tous, croyants et non-croyants, pour que l’accueil de la vie soit
davantage aidé et soutenu. La vraie urgence est d’aider au moins les
couples ou les femmes qui, aujourd’hui, n’ont pas réellement le choix et
estiment ne pouvoir garder leur enfant en raison des contraintes
sociales, économiques, familiales qui pèsent sur eux ou sur elles, et
trop souvent sur les femmes seules.
Nous reprenons les mots du pape François qui, toujours au côté des plus pauvres, écrivait en 2013 : « cette
défense de la vie à naître est intimement liée à la défense de tous les
droits humains. Elle suppose la conviction qu’un être humain est
toujours sacré (…) dans n’importe quelle situation et en toute phase de
son développement. (…). Si cette conviction disparaît, il ne reste plus
de fondements solides et permanents pour la défense des droits humains,
qui seraient toujours sujets aux convenances contingentes des puissants
du moment » (La joie de l’Evangile, 213).
Les droits des femmes doivent être
davantage promus et garantis. La réelle égalité salariale, la protection
contre les violences, dans la vie sociale et dans l’intimité des
familles, le soutien social à leur rôle dans l’éducation des enfants,
surtout pour les femmes seules, sont des progrès hautement désirables
pour nos sociétés. Est-il légitime de mettre l’avortement sur le même
plan que ces droits fondamentaux ? L’inscrire parmi les droits
fondamentaux serait abîmer tout l’équilibre de ceux-ci.
Aux côtés d’autres croyants, d’hommes et
de femmes de bonne volonté, les catholiques se sentent appelés à servir
ces droits et cette dignité des plus faibles. Ils prient pour les
couples et les femmes confrontés au drame de l’avortement. Nous redisons
notre reconnaissance à celles et ceux qui se mobilisent pour écouter,
accompagner, soutenir, consoler sans jamais juger, ainsi qu’à tous les
élus qui auront le courage – par leur vote et leur engagement – de « faire avancer la culture de la vie » (Pape François, audience du 5/02/2017)
Les évêques de France, réunis à Lourdes en Assemblée plénière, le 7 novembre 2023