Saint Joseph figure dans l’histoire de la Bible et de l’Église comme « le grand silencieux ». Tous les ans, la solennité de la Saint-Joseph est inscrite au 19 mars, ce qui n’est pas le cas en cette année 2023, où nous fêterons le lendemain le père nourricier de Jésus et époux de Marie de Nazareth. Cette année, le 19 mars est un dimanche, dimanche de Carême. Le dimanche en lui-même prime donc sur toute fête ou solennité de ce jour. Si l’on avait été dans le temps ordinaire, la solennité aurait été maintenue le dimanche.
Saint Joseph figure dans l’histoire de la Bible et de l’Église comme « le grand silencieux ». Tous les ans, la solennité de la Saint-Joseph est inscrite au 19 mars, ce qui n’est pas le cas en cette année 2023, où nous fêterons le lendemain le père nourricier de Jésus et époux de Marie de Nazareth. Cette année, le 19 mars est un dimanche, dimanche de Carême. Le dimanche en lui-même prime donc sur toute fête ou solennité de ce jour. Si l’on avait été dans le temps ordinaire, la solennité aurait été maintenue le dimanche.
S’il nous est
possible d’accéder à l’âme de la Vierge Marie à travers ses quelques
phrases retenues dans les évangiles, il n’en va pas de même pour son
époux, Joseph. Pas une seule phrase de lui n’a été rapportée par les
évangélistes.
Pourtant, ce silence non seulement ne nuit pas à sa
sainteté mais il accorde une grande profondeur à sa mission. Joseph a
reçu l’annonce de l’ange en songe. Il s’est levé pour accomplir la
mission demandée par Dieu : prendre Marie pour épouse et veiller sur
l’enfant Jésus qui va naître, non pas du vouloir de l’homme mais de
l’Esprit Saint.
C’est pourquoi saint Matthieu l’évangéliste
l’appelle « juste ». Pour nous, le mot justice nous fait penser à la
justice sociale et aux revendications salariales. Dans la Bible, la
justice équivaut à la sainteté. Joseph est juste, non seulement parce
qu’il a travaillé correctement dans son atelier d’artisan dans le
bâtiment mais parce qu’il a ajusté sa volonté à celle de Dieu. La prière
du Notre Père a pris chair en lui : « Que ta volonté soit faite sur la
terre comme au ciel ».
Un modèle pour les pères comme pour les évêques
La
volonté de Dieu conduit précisément le croyant à la plus haute
réalisation de son existence, malgré les apparences. Nombreux sont ceux
qui plaignent Joseph. Un ami m’avouait un jour : « J’ai toujours eu
pitié de saint Joseph qui me semblait un personnage falot chargé d’un
mauvais rôle. Il n’était ni tout à fait un mari ni tout à fait un père.
Mais j’ai découvert la force de sa mission quand je suis moi-même devenu
père. À la naissance de mon premier enfant, j’ai été saisi d’un
sentiment étrange. Ma femme tenait dans ses bras le bébé qui venait de
sortir de son sein. Il faisait partie d’elle-même. Ce n’était pas mon
cas. Le bébé s’interposait maintenant entre la femme que j’aimais et
moi. Recouvert de sang, ses cris ne me le rendaient pas attirant. Je me
suis dit intérieurement qu’il me fallait l’accepter, l’adopter et le
reconnaître comme mon enfant. Et à ce moment-là, j’ai pensé à saint
Joseph. Me voilà en train de vivre sa propre démarche d’adoption. Quand
mon deuxième enfant est arrivé, j’ai été de nouveau habité par les mêmes
sentiments et par la nécessité d’accomplir l’adoption, même si je
n’avais aucun doute sur ma paternité. »
Un autre ami me faisait part
un jour de ses difficultés avec son père. D’après les explications de sa
mère, lors de sa naissance, son père n’avait pas apprécié sa couleur.
Il ne l’avait pas adopté. Il ne l’aima pas vraiment. Dans les pays à
fort métissage, le type racial des enfants peut varier au cœur du même
couple. J’ai connu une famille à La Réunion où trois filles des mêmes
parents représentaient les trois continents – asiatique, africain et
européen -, en fonction de la couleur de leur peau et de leurs cheveux.
Au
fond, toute personne se trouve face au dilemme de l’adoption d’une
manière ou d’une autre. Pas d’adoption, pas d’engagement, pas d’amour.
Il me semble possible de parler d’adoption dans les différentes
situations de l’existence : notre corps, notre famille, notre histoire,
notre pays, notre sexe, nos travaux et missions… Nous avons à les
adopter sous peine de vivre en contradiction stérile avec nous-mêmes. À
quoi bon rêver d’un autre corps, d’une autre famille, d’un autre pays ou
d’une autre Église que les nôtres ? « Avec des si on mettrait Paris en
bouteille » dit le proverbe. Le complexe de victime et l’illusion d’une
autre vie que celle que nous avons reçue ne conduisent qu’aux
protestations et à l’amertume, à l’image de celui qui n’avait reçu qu’un
talent au lieu de cinq ou de dix dans la parabole de Jésus (Matthieu
25, 14-30) et qui passait son temps à critiquer et à répandre un mauvais
état d’esprit. Les comparaisons sont odieuses. Pourquoi se comparer
alors que chacun est unique ? Nous nous connaissons mal nous-mêmes et
nous prétendons connaître les chemins dans l’esprit des autres ?
L’exemple
de saint Joseph nous invite à l’action. Saint Joseph a vécu heureux : «
Heureux ceux qui écoutent la parole du Seigneur et la mettent en
pratique » (Luc 11, 28). Si certains peintres dépeignent saint Joseph
quelque peu triste et en retrait par rapport à la Vierge Marie et à
l’enfant dans le souci de manifester qu’il n’est que le père adoptif de
Jésus, Fra Angelico le présente rayonnant dans son rôle. Dans les
fresques du couvent des Dominicains de Saint-Marc à Florence, le saint
patron des artistes met en lumière le sourire et la paix de l’âme de
Joseph, comblé dans sa mission.
L’étymologie du mot « évêque »
nous révèle le sens de cette charge : « veiller sur », « surveiller ».
En ce sens, saint Joseph est le modèle des évêques, surveillants du
troupeau qui leur est confié par Dieu. Il arrive que saint Joseph soir
représenté dans l’art revêtu des vêtements du grand-prêtre. En effet, si
le grand-prêtre veillait sur le temple, saint Joseph a veillé sur son
épouse, le temple de Dieu, « le buisson ardent », symbole de la présence
de la divinité. Saint Paul, inspiré par l’Esprit Saint, écrit aux
chrétiens de Colosses qu’en Jésus « habite corporellement la plénitude
de la divinité » (Colossiens 2, 9). La Vierge Marie a porté en son sein
corporellement cette plénitude de la divinité et saint Joseph a veillé
sur elle et sur le développement intégral de son fils adoptif, Jésus.
Abba ! Père ! «
Tel père, tel fils », disons-nous souvent en constatant l’influence de
l’éducation paternelle sur les actions de l’enfant. De son père Joseph,
Jésus a reçu une éducation humaine, spirituelle et professionnelle.
Combien de fois Jésus n’a-t-il pas prononcé le mot abba en s’adressant à
son père Joseph ? C’est précisément ce mot abba de la langue araméenne,
langue maternelle et paternelle de Jésus, qui deviendra la prière
originale de Jésus à Gethsémani la veille de sa Passion. Abba sera aussi
la prière de l’Esprit Saint dans le cœur des chrétiens comme le décrit
l’apôtre saint Paul dans les épîtres aux Romains (8, 15-16) et aux
Galates (4, 6). Maître Eckhart, le grand mystique dominicain de l’École
rhénane du XIVe siècle, affirme que nous ne prions pas mais que « nous
sommes priés », car ce n’est pas nous qui prions mais l’Esprit qui
intercède pour nous dans des gémissements ineffables.
Si des
enfants tremblent au souvenir violent de leur père, le mot abba évoquait
pour Jésus la tendresse et l’amour fidèle de son père Joseph. C’est ce
mot qu’il choisit pour s’adresser à Dieu son Père au jour de l’angoisse à
l’approche du supplice de la croix : « Abba ! Père ! Éloigne de moi ce
calice mais que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se fasse »
(Marc 14, 36).
Bien que Nazareth ne soit pas citée dans la Bible,
sa synagogue possédait un rouleau important du prophète Isaïe comme le
rappelle saint Luc l’évangéliste. Au cours de sa vie publique, Jésus a
imité le geste de son père dans la même synagogue de Nazareth en lisant
en hébreu le passage du prophète Isaïe qu’il commente en araméen pour
proclamer son accomplissement : « L’Esprit du Seigneur repose sur moi.
Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres » (cf. Luc 4, 16-21).
Il
fallait que Jésus naisse de la tribu de David car il était le Messie
annoncé par les prophètes (cf. Matthieu 1, 16). Jésus sera acclamé comme
« fils de David » parce que fils de Joseph.
La prière eucharistique numéro un cite saint Joseph. Sa participation au mystère du Salut est fondamentale.
Les
artistes chrétiens se sont plus à représenter la mort de saint Joseph
honoré par son épouse et par son fils Jésus. Joseph a aimé Jésus. Jésus a
aimé son père. Puissions-nous l’aimer comme Jésus l’a aimé !
Confions-lui nos soucis matériels et spirituels. Homme de prière, il
intercédera pour nous auprès de son fils Jésus. Puissions-nous imiter
aussi sa foi et sa fidélité !
Fr. Manuel Rivero, o.p.
7 avril 2012
Fr. Manuel Rivero, o.p. / https://eglise.catholique.fr |