La diffusion d'Inquisitio sur France 2 stimule les blogueurs cathos qui ont mis en ligne une bande-annonce parodique et un site intitulé "L'inquisition pour les nuls".

Tout est parti d'un "délire" par e-mail, le week-end dernier, entre copains blogueurs cathos à propos de la nouvelle série de France 2 "Inquisitio", diffusée à partir du mercredi 4 juillet.

Parmi cette bande de chahuteurs, quelques bouilles hilares se distinguent : celles de Koz Toujours, Nystagmus, Charles Vaugirard, Jean-Baptiste Maillard et Edmond prochain. C'est ce dernier qui a été désigné "à la courte paille" par ses petits camarades pour expliquer la naissance de cette "initiative foutraque". 

Pèlerin : Qu'est-ce qui vous a décidé à parodier la série Inquisitio ? 

Edmond Prochain : nous avons visionné les premiers épisodes de la série qui nous ont affligés aussi bien par le fond que par la forme. L'esthétique gothico-médiévale du feuilleton ressemble à un clip de la chanteuse Mylène Farmer. Le jeu des acteurs ne nous a pas vraiment convaincu... Quant aux dialogues, ils sont assez caricaturaux, du style "Vous souffrez ? — Atrocement ! — Est-ce que vous remerciez le Seigneur tous les jours ?". Saturnin, l'un des protagonistes du film, lance même l'idée de mettre le crime sur le dos des juifs ! Son interlocuteur réplique alors : "Saturnin n'a pas tort !". C'est tellement grotesque que nous avons immédiatement décidé de créer un profil Facebook et un compte twitter sous le pseudonyme de Saturnin Napator. 

Et l'idée de la fausse bande-annonce ? 

Inquisitio est un fourre-tout qui mêle tous les clichés sur l’Église et l'Inquisition. Nous avons poussé sa logique jusqu'au bout en intégrant, dans une fausse bande-annonce, Dark Vador (la figure maléfique de La guerre des Étoiles) et des extraits des films des humoristes anglais Monty Python. 

Pourquoi avoir adjoint un site plus sérieux, l'inquisition pour les nuls ? 

A côté de notre parti pris de rigoler, avec des grosses blagues ("Qui a éteint la lumière ? Passez-moi un hérétique, je vais la rallumer !"), nous avons eu envie de donner quelques éléments de compréhension sur cette période. Jean-Baptiste Maillard a fait appel à des historiens qui publient des contributions. Nous voulons éviter la réaction hystérique du type : "France 2 blasphème, brûlons leurs studios !". Notre objectif, c'est d'en rester à une réaction paisible et bon enfant. Si la série est blasphématoire, elle l'est surtout contre l'intelligence et le bon goût !

? Saturnin Napator sur  twitter et sur Facebook.
? Le site L'Inquisition pour les nuls et sa  page Facebook. 

? Notre point de vue : la série Inquisitio s'affranchit de la vérité historique. 

"L'Inquisition en questions ", un article de deux pages à lire dans  Pèlerin n  °6761 du 28 juin 2012. 

Mercredi, à 20 h 35, France 2 dégaine Inquisitio, sa série événement de l'été en forme de thriller médiéval. En cinq points, Didier Le Fur, historien et auteur d'un livre sur la question, trie le bon grain de l'ivraie.

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Auteur(s) : Gilles Donada

Notre histoire

La série Inquisitio sur France 2 s'affranchit de l'histoire

Inquisitio, le thriller médiéval que diffuse France 2 à partir du mercredi 4 juillet, est une bonne fiction, pas un documentaire ! L'analyse de l'historien Didier Le Fur.

Mercredi 4 juillet, à 20 h 35, France 2 diffuse Inquisitio , une série en forme de thriller médiéval. 

Avignon, en l'an 1355. Guillaume de Tasteville, 12 ans, jalouse son cadet Nicolas, choyé par leur mère. Après avoir manqué de le tuer, il est enfermé par leur père dans le cachot du château. Quand il en sort, la peste a ravagé sa famille. Il s'enfuit.

On le retrouve vingt-cinq ans plus tard sous le nom de Barnal, inquisiteur chargé par le pape Clément VII d'enquêter sur le meurtre d'un abbé à Carpentras. Des membres de la communauté juive sont suspectés.

Si de nombreux éléments peuvent agacer d'un point de vue historique et malgré des clichés propres au genre du polar médiéval, les comédiens sont assez convaincants pour emporter le morceau. On retrouve avec plaisir Aurélien Wiik (Samuel de Naples) et Anne Brochet (Catherine de Sienne).

Le personnage de l'inquisiteur est incarné avec charisme par Vladislav Galard. A apprécier... comme une bonne fiction, pas un documentaire.

Inquisitio prend des libertés avec l'histoire

L'Inquisition est née au XIIIe siècle, dans les années 1231-1233, pour "sauver les âmes et conserver la chrétienté", rappelle l'historien Didier Le Fur, auteur de  L’Inquisition, Enquête historique France XIIIe-XVe siècle, ( Éd. Taillandier). Sa mission était d'abord de lutter contre les hérésies, vaudoise et cathare principalement, et plus tard, contre la sorcellerie. L'inquisiteur est nommé par le pape et ne dépend que de lui, au-delà des évêques.

En 1380, date à laquelle se déroule la série de France 2, deux papes se font la guerre. En 1378, Urbain VI a été élu à Rome sous la pression du peuple. Mais son autoritarisme excède les cardinaux, qui déclarent son élection nulle et élisent Robert de Genève sous le nom de Clément VII. En juin 1379, celui-ci arrive en Avignon. C'est ce pape qui, dans Inquisitio , fait appel à l'inquisiteur fictif Barnal.

Vrai

? L'inquisiteur Barnal, interprété par Vladislav Gallard, est plutôt conforme à ceux qui ont œuvré au Moyen Âge, constate Didier Le Fur. Issu de l'ordre des Dominicains, comme la majorité des inquisiteurs - les autres appartenant à l'ordre franciscain -, il porte une robe blanche et un manteau noir.

? Le caractère de Barnal correspond bien aux critères énumérés par le grand inquisiteur Bernard Gui, vers 1322. "Il doit être imperturbable, sans émotion, jamais soumis aux tentations - cupidité ou autre... ni aux partis pris. Il est dans l'obligation de défendre la foi et le pape". 

Faux

? Dans la réalité, on ne devenait pas inquisiteur avant 40 ans. Or, le personnage de Barnal est plus jeune.

? L'historien pointe du doigt une facilité du scénario : "Un inquisiteur intervient dans les crimes d'hérésie, et pas dans des affaires de meurtres comme dans l'histoire. Ce n'est pas un flic !"

? Dans  la série, Barnal ne se prive pas d'infliger des sévices divers aux suspects. En France, les interrogatoires ne commençaient jamais sous la torture. "Pour soumettre quelqu'un à la question, il fallait disposer de deux indices sérieux sur le crime. Et le coupable devait répéter ses aveux plus tard, en dehors de la torture".

? L'Église jouait sur le temps pour obtenir des aveux, contrairement à ce que suggère le rythme du feuilleton. Les incarcérations pouvaient être interminables. "Ce qui comptait, c'était que l'hérétique avoué fasse pénitence. S'il s'y refusait, l'inquisiteur finissait par transmettre l'affaire au pouvoir laïc, obligé d'exécuter la sentence de mort sous peine d'excommunication."

? La série de France 2 présente une Église dépravée à son sommet, où des prélats libidineux et cyniques vont jusqu'à "fabriquer" des miracles ! "Les responsables ecclésiastiques avaient bien le désir d'agir en tant que puissance temporelle. Mais quant à représenter un pape ou des évêques avec des femmes, ça n'a pas de sens... ces hommes avaient prononcé des vœux de chasteté et ils avaient une vraie piété."

? Au Moyen Âge, la communauté juive est régulièrement confrontée à des persécutions. "En revanche, les juifs n'ont jamais été considérés comme des hérétiques ni condamnés comme tels". Ils ne furent pas les victimes des inquisiteurs, sauf cas particuliers. Ainsi, un juif qui soustrayait un enfant à la foi catholique encourait le bûcher ou l'enfermement à vie.

¦  Point de vue

? Le porte-parole de la conférence des évêques évoque des "points scandaleurs". "Parce que cette période historique est extrêmement difficile pour tous, dit-il, elle requiert d'autant plus un service délicat et éminent de la vérité. Quand un tel parti-pris aimante une production, qu'a-t-elle encore de...culturel ?"

?  Les blogueurs cathos parodient la série à travers une fausse bande-annonce, une page Facebook et un compte twitter. 

? Selon André Larané du site Herodote.net, "Inquisitio  est une effarante confusion mentale qui conduit nos "créateurs" du service public à valoriser les pires superstitions pour mieux noircir la religion chrétienne."