Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, a proposé de lire dans les églises lors de la messe de l’Assomption, la lettre de Mgr Jules-Géraud Saliège. Une manière de commémorer les 80 ans du texte du cardinal de Toulouse, lu le 23 août 1942, qui s’élevait contre les déportations des Juifs...
* * * * * * *
« Mes très chers Frères, il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits, tiennent à la nature de l’homme. Ils viennent de Dieu. On peut les violer. Il n’est au pouvoir d’aucun mortel de les supprimer. Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle.
Pourquoi le droit d’asile dans nos églises n’existe-t-il plus ? Pourquoi sommes-nous des vaincus ? Seigneur ayez pitié de nous. Notre-Dame, priez pour la France.
Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes, les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos Frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier.
France, patrie bien aimée, France qui porte dans la conscience de tous tes enfants la tradition du respect de la personne humaine, France chevaleresque et généreuse, je n’en doute pas, tu n’es pas responsable de ces horreurs.
Recevez mes chers Frères, l’assurance de mon respectueux dévouement. » Jules-Géraud SALIÈGE, archevêque de Toulouse, 13 Août 1942 (Lu en chaires le 23/08/1942)
1942. Alors que la France discrimine et persécute les populations
juives dans le cadre de la collaboration entre le régime de Vichy et
l’Allemagne nazie, le préfet de la Haute-Garonne ordonne la déportation
de Juifs des camps de Noé et de Récébédou vers les camps de la mort.
Cette même année, la France connaitra l’horreur de la rafle du
Vel-d’Hiv.
Informé, l’archevêque de Toulouse écrit et fait diffuser, le 23 août
1942, une lettre où il dénonce vigoureusement les violences faites aux
Juifs et le mépris des droits des personnes. Cette lettre, dont le
gouvernement français a essayé de bloquer la diffusion, sera largement
reprise et diffusée par le Vatican et sur les ondes de la BBC.
« Il y a une morale chrétienne, écrit Monseigneur Saliège, il y a
une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. (…)
Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Tout n’est pas
permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces
pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos
frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier. »
Ces mots vont résonner aux oreilles de la population française. Ils
vont encourager de multiples initiatives ou encore accompagner des
Français dans la lutte contre la persécution des Juifs entraînant de
nombreux actes de solidarité tant individuels que collectifs. Mgr
Saliège va même jusqu’à mettre à disposition les ressources du diocèse
de Toulouse pour aider des filières de protection de Juifs et sera, pour
ces raisons, arrêté par le Gestapo - avant d’être relâché pour état de
santé. Tout un “réseau Saliège” se met en place.
Après la guerre, unanimement reconnu, il sera fait compagnon de la
Libération par Charles de Gaulle en 1945, recevra le titre de Cardinal
en 1946 et celui de Juste parmi les nations en 1969.
Le « réseau Saliège »
Quand on évoque Monseigneur Saliège, on pense immédiatement à cette
fameuse lettre « sur la personne humaine ». Mais elle n’est en réalité
que la partie visible d’un iceberg, celui de l’action menée par l’Église
en Haute-Garonne pour les victimes de la politique nazie, et en
particulier, les juifs. C’est ce qu’on appelle « le réseau Saliège ».
Dès avant sa publication de cette lettre, le diocèse se dote de
plusieurs organismes pour venir en aide aux personnes arrêtées et
placées dans des camps d’internement. Ces organismes reçoivent des aides
financières y compris de la part du Vatican.
Lorsque les premières déportations ont lieu et que les conditions de
vie de ces camps se détériorent, l’archevêque est averti et décide,
sans attendre, d’agir non seulement en écrivant cette lettre mais aussi
en mettant en place un réseau d’entraide et de sauvetage, en lien avec
les institutions juives et les réseaux de résistance dont l’Institut
Catholique devient un haut lieu.
|